Podcast épisode 10

Transcript de la conclusion de l’épisode

Sara Merci à tous les deux. C’était passionnant. Je laisse Tristan, qui est également un grand spécialiste des communs numériques et qui a dû fermer sa bouche toute la séance.

Sébastien Il trépignait sur sa chaise.

Sara Il va pouvoir enfin s’exprimer !

Tristan Donnez-moi le micro ! Bon alors je suis désolé, je suis un peu enrhumé, donc j’ai déjà pas une voix de radio, mais en plus la j’ai une voix de fumeur que je ne suis pas normalement.

Merci à tous les trois. C’était absolument passionnant.

Et maintenant il me revient la lourde tâche, avec mon cerveau embrumé, ma voix rocailleuse, de faire une petite restitution. Et ça, c’est pas gagné, gagné.

Alors déjà on va pouvoir commencer par rappeler la définition des communs numériques : communautés, ressources, gouvernance. C’est une façon de produire du numérique, nous explique Sébastien, certes, mais en particulier quel type de numérique ? ça peut être du logiciel libre, ça peut être des bases de données type open street map, ça peut être des plateformes coopératives ou aussi du matériel open source. Et c’est là qu’Agnès revient et dit : mais attendez, oui, mais pourquoi ? d’accord, c’est une façon de faire, mais quelle est la finalité ? eh bien, c’est une finalité, on va dire sociale, d’empowerment d’encapacitation, pour essayer de parler français correctement. Et quand même, heureusement, Sara nous a mis dans le droit chemin en disant : mais quel est le rapport avec les numériques essentiels ? C’est quand même pour ça qu’on est venu ce matin.

Eh bien, chez fairphone, le rapport c’est de faire durer le matériel. Si on veut faire de l’écologie, mais qu’on veut faire du numérique en même temps, faut se débrouiller pour que le matériel qui pollue lors de sa fabrication, on le fasse durer le plus longtemps possible, et de nous rappeler au passage que, quand même, cinquante millions de tonnes de DEEE, c’est-à-dire déchets électroniques etc… c’est juste monstrueux, d’autant qu’on ne sait pas recycler, parce qu’aller chercher un milligramme d’or dans le fin fond d’une puce de silicium, ben ça vaut carrément pas le coup et en fait, on ne sait pas le faire.

Mais alors, est-ce qu’il faut démarchandiser ou pas les ressources numériques ? ça, c’est une piste qui est tout à fait intéressante. Ce n’est pas complètement gagné, parce que, quand même, on est dans un monde qui est essentiellement marchand. Et puis, est-ce qu’on peut faire des communs en étant décroissant, alors là encore plus, encore plus compliqué, parce que si on veut faire de la décroissance, si on veut polluer moins, alors que tout dans l’écosystème- en particulier en France, mais pas que aux États-Unis, ou en Israël, ou dans plein d’endroits- en fait une start-up, ce que ça cherche avant tout c’est d’abord à survivre et à faire de l’hyper croissance. Et donc, c’est un monde, la technologie, où la mythologie de la start-up est sur représentée.

Et puis on a quand même quelque chose de compliqué. Le Fairphone y arrive bizarrement en disant : bon la décroissance peut-être pas, mais de la croissance lente à la place. C’est un moindre mal. Je comprends la difficulté de pallier les deux, mais un peu la chèvre et le chou, et au final il n’y en a aucun des deux qui survit.

Et ça nous rappelle Sébastien, parce que qu’on a quand même un problème, c’est que le numérique, le cyberespace, au départ, ils ont été pensés, discutés comme étant des espaces infinis par opposition au monde réel. Et là, quand tout d’un coup, on arrive à dire : bon ben, c’est pas infini, il faut faire attention, il faut produire moins, etc. En fait, on est en train de complètement chambouler le cœur même de ce qui était présenté comme l’essence du cyberespace, c’est-à-dire le fait qu’il était infini et sans empreinte matérielle. On se rend bien compte que c’était complètement faux.

Et puis enfin les pouvoirs publics. Quel rôle peuvent-ils jouer là-dedans ? On parle de, rapidement, beta gouv qui fait des tas de jolies choses, et je peux vous assurer qu’on en reparlera dans ce micro, parce qu’on va de plus en plus par communs. Et oui, c’est une petite promesse que je vous fais. Et on va aller faire un tour, un crochet, par l’Inde où, malgré un gouvernement qui, pourtant, nous laissait pas penser que c’était une bande de gauchos autour d’un feu de camp et une guitare. Eh bien, en fait, malgré tout, en Inde, on a beau être très à droite, mais très, très à droite, on fait une politique très open source et ça donne des choses assez étonnantes puisque, par exemple, ils ont un doctolib qui est open source et d’état, au lieu de déléguer ça au privé.

Alors l’état a d’autres façons de faire, d’autres moyens d’action. Il pourrait, par la régulation, pousser les gens à faire des logiciels libres et de l’open source et des communs. Il pourrait aussi passer par la commande publique. C’est un petit peu finalement ce que fait beta gouv et le fait déjà avec les données ouvertes et pourrait faire encore un peu plus, et même nous amener vers des instances régionales pour discuter du déploiement, pour amener un peu plus de démocratie dans l’adoption du numérique. Voilà, on a fait le tour.

Agnès Bon résumé Tristan, bravo !

Tristan Ben c’est tout le temps où j’arrivais pas à parler, je prenais des notes à la place tu vois, c’est ma façon de gérer la douleur

Agnès Et d’être moins frustré !

Tristan En tout cas, un immense merci à vous deux et à très bientôt pour un prochain épisode, j’espère.

Sébastien Merci beaucoup,

Agnès Merci Sara, merci Tristan.