Transcript de la conclusion de l’épisode
Pablo On va se faire cette clôture avec Alexis. Alexis, tu nous as entendu parler pendant une heure, qu’est-ce que ça t’a évoqué tout ça?
Alexis Bah déjà, merci beaucoup à vous deux pour le remue-méninges ! La promesse était là. Bon, déjà, moi, ce qui me saute aux yeux, c’est que ça ne va pas être simple cette histoire de réemploi, en tout cas ce transfert de ce qui a pu se passer dans le bâtiment et toutes ces logique de réemploi, ça pose quand même, en particulier au niveau du hardware, au niveau du matériel numérique, ça nous pose des questions, pour l’instant non résolue. Je me suis posé la question en vous écoutant : tiens, et est-ce que dans le bâtiment, la loi de Moore a son équivalent ? Avec, sans arrêt, chaque nouvelle année, des nouveaux vitrage, du triple vitrage, quadruple vitrage, des distances, machin, alors on détruit, on reconstruit parce que c’est une nouvelle mode. Et tout ça, probablement que dans le bâtiment, ça a eu lieu, sauf que le bâtiment a connu un avant carbone. Puisque le bâtiment existait déjà avant 1971, comme tu nous as rappelé la date. Et donc il y a des imaginaires, il y a des techniques, il y a des outils et des savoir-faire pré-carbone, ce que qu’on a pas dans le numérique. C’est là où je me dis que le chantier est vaste et le challenge est grand pour le numérique, pour aller se poser ces questions-là de réemploi et de ré-usages. Pour autant en bidouillant un peu de Arduino par ailleurs, j’ai commencé à me dire : tiens, en fait, cette question des matériauthèques, quand je commence à déconstruire un bâtiment pour pouvoir réutiliser les portes, les poutres, les trucs, il faut je le déconstruise, que je déconstruise minutieusement pour pouvoir bien réutiliser et réassembler. Ça ressemblerait finalement au projet en Arduino.
Pablo Arduino, est-ce que tu peux expliquer?
Alexis Oui, Arduino, euh, comment expliquer ? Googlez le ? Tristan tu peux m’aider ?
Tristan Nitot C’est une petite plaque, un circuit imprimé avec un processeur très bon marché et avec des entrées sorties multiples. Avec une technologie, je crois, qui est hérité du téléphone. Et donc ça permet de faire, de bricoler, de bidouiller, c’est un mot que j’aime beaucoup, quelque chose qui puisse commander des appareils électriques qu’on peut programmer.
Alexis Et donc d’assembler, de désassembler, de réutiliser, de retransformer. J’ai créé un bidouilleur qui me permet de mesurer le niveau d’eau. Je peux m’en resservir pour mesurer le niveau de CO2 dans l’atmosphère avec un autre capteur que je branche, mais sur le même processeur. Et voilà donc, c’est toute cette logique de matériauthèques de petits éléments que je pourrais réutiliser voire déconstruire pour récupérer, comme tu le disais, des vieux processeurs dans un ancien téléphone pour pouvoir les réassembler sur des nouvelles cartes. Tout ça, ce sont des pratiques qui existent, qui fourmillent, qui sont là, mais qu’il va falloir faire passer à l’échelle : grandir, apprendre, se muscler, bidouiller, réapprendre. On retrouve un peu l’idée de se muscler dans la culture technique, tout ce qui était dans l’épisode 1 de ce podcast, où l’importance de la culture technique et de se reformer aux fondamentaux en fait du matériel sous les couches logiciels. Dans votre discussion, on a assez peu évoqué les briques logicielles et je m’attendais qu’on en parle davantage avec cette dimension open source, parce que c’est vrai qu’une des spécificités du numérique que je ne retrouve pas dans le bâtiment, c’est cette duplicité matérielle et logicielle. Là où j’ai l’impression que, dans le logiciel, pour le coup, ces logiques de réemploi, de réutilisation, un peu moins de recyclage, existent via les librairies, via l’open source. Et, pour le coup, je pense que c’est une pratique qui est déjà là, avec les idées de factorisation, pouvoir réutiliser des méthodes… Je sens que tu veux réagir
Tristan Oui, oui, surtout qu’il y a quelque chose d’essentiel, c’est que le logiciel est un bien non rival, c’est-à-dire que je peux faire une copie de ma librairie ou faire mon bout de logiciel, et je te la file, et moi, je l’ai toujours, et du coup, je m’en prive pas quand je t’en donne une copie. Alors que si j’ai une pierre de taille que j’ai pris dans mon bâtiment et que je te la file, ben je l’ai plus pour monter mon bâtiment.
Émilie Hergott D’ailleurs, du coup, la perche est trop belle. Il se trouve que, dans notre pratique du numérique dans le champ du bâtiment, de la conception, de l’architecture, de l’ingénierie, on voit de plus en plus d’initiatives open source, justement parce que on se construit des outils. On va chercher, défricher chacun de nos sujets. On va se construire des choses et de plus en plus on voit des entreprises, et dont l’AREP, mettre en fait à disposition ces outils là, en open source. Voilà, tout simplement parce que l’on s’est posé des questions nouvelles. Et d’ailleurs, il n’y a pas que nous, il y en a plein d’autres, et il y a même donc le CSTB, centre scientifique et technique du bâtiment, donc on peut dire plutôt une vieille dame, qui se met dans cette optique là, justement, pour produire un outil, un cœur open source, pour maîtriser les impacts environnementaux des projets.
Alexis Et donc voilà avec ma casquette numériques essentielles, je retiens vraiment cette idée de matériauthèque, de réutilisation, avec un vrai défi sur la partie matérielle, mais des vraies compétences et des vrais savoir-faire dans la partie logicielle, avec en plus cette force-là de pouvoir le dupliquer et de l’utiliser à plusieurs endroits.
Je repars aussi avec deux autres idées. La fin de la carte blanche pour aller vers les cartons rouges. Stop, l’open bar est fini. Il va falloir décider, il va falloir maîtriser, il va falloir se dire stop, il va falloir éco-concevoir, il va falloir faire bien, même si ça fait gagner beaucoup plus que son usage, il va quand même falloir bien éco concevoir, réutiliser, open sourcer, y compris si ça fait gagner 10 fois plus que son usage. Donc, je pense…
Tristan J’adore là-dessus, parce que la fin de l’open bar, c’est la fin de l’ébriété et donc c’est le début de la sobriété. La boucle est bouclée.
Alexis Exactement. Donc je repars avec ça : fin de la carte blanche, début des cartons rouges, et de la sobriété.
Et enfin cette question de l’usage du numérique. À quoi ça sert ? Quand ça sert à économiser 10% d’émissions de CO2 dans l’architecture de nouveaux bâtiments, ouais c’est malin. Quand ça sert à virer des gens parce qu’on a automatisé des caisses automatiques et on a coupé du boulot, et ça a des impacts sociaux, et ça a des impacts, du coup, au niveau de la puissance publique, ça, c’est peut-être pas le plus intelligent qu’on ait pu faire. Donc, la finalité numérique, ça me paraît être un point essentiel de cette question des numériques essentiels.
Pablo Je vous remercie tous les trois et à bientôt.
Émilie Salut, merci !
Tristan : Salut !