Transcript de la conclusion de l’épisode
Pablo C’est Tristan
Tristan Ouais, alors t’appelle ça le piège, moi, j’ai un mot plus adapté, c’est un véritable traquenard. Bon, et comme je suis le dernier arrivé, ben, ça fait la deuxième fois que je m’y colle et j’avais vraiment transpiré la première fois. La deuxième fois, je crois que ça va être pire. J’ai appris plein de choses, c’était fascinant, ça part dans tous les sens et c’est des domaines sur lesquels je suis pas du tout expert. Et c’est à la fois un ravissement d’être exposé à des nouveaux concepts, et aussi une véritable angoisse, parce que je sens qu’il va falloir que je lise encore plein de livres, que j’apprenne encore plein de trucs, que je découvre encore plein de penseurs et que j’ai sur ma table de nuit ce que j’appelle une pile de livres des danaïdes, comme un tonneau des danaïdes, sauf que là, ça se remplit plutôt que de se vider. Donc c’est pas complètement rassurant.
Donc, des concepts que j’ai retenu, c’est qu’il y a des analogies et des métaphores, mais en fait pas beaucoup plus. Y’a des choses radicalement différentes entre d’un côté le numérique et les écosystèmes naturels. Un exemple qui est assez saillant c’est que dans la nature, il n’y a pas de déchets, alors que dans le numérique, là, on a bien vu qu’il y en avait. Moi je travaille en ce moment beaucoup sur la loi de Moore, qui implique une économie linéaire et non pas circulaire, qui implique que tous les deux ans, on jette le matériel et que il est démodé, que de toute façon, les choses sont tellement intégrées entre elles que on ne peut pas les séparer pour les réutiliser et donc, c’est un immense gaspillage. Et là, je crois que on prend une correction en tant qu’humain par rapport à la nature. Il y a d’immenses progrès à faire.
Le numérique ne sera pas un système vivant et peut-être une des choses qui l’empêchera de le devenir, c’est cette intentionnalité, le fait que, humainement, on a une intention. Peut être que c’est “bien rémunérer l’actionnaire”. Peut être que c’est “gagner des parts de marché”, peut-être que c’est “améliorer des outils qu’on a designé”, mais il y a toujours cette intentionnalité. Intentionnalité qui n’est pas forcément né gative, même s’il nous sépare de la nature. Elle a des aspects positifs, ne serait-ce que chez des gens comme Michaela ou moi ou d’autres, de vouloir améliorer le monde. C’est bien une intention et elle est louable.
Qu’est-ce que j’ai appris d’autres intéressants ? Ben, c’est qu’en fait, le numérique, c’est quand même un tout petit bout de l’humain, de son activité humaine, tout petit, et que donc on peut pas le considérer en tant que tel comme un système. C’est juste un bout du système.
Et voilà, j’ai appris le concept de wood wide web, et ça, ça m’a vraiment fait kiffer. Étant un dinosaure du web.
On a quand même, à la fin, convoqué Deleuze et Foucault, alors ça, pour moi qui avant travaillait sur la vie privée et donc qui les a découvert par la prison panoptique, ça été un choc plaisant.
On avait en filigrane la notion que la diversité était facteur de résilience, et ça, c’est quelque chose qui m’interpelle beaucoup. Là on utilise par exemple un système pour enregistrer qui s’appelle Zencastr, qui ne fonctionne que sur Chrome, et ça, ça me rend dingue parce que, déjà, en tant que contributeur de Mozilla de longue date, je n’ai pas pu utiliser mon Firefox Ça nous force à s’éloigner de la diversité des moteurs de navigateur. Ça fait des années que je le dis, mais là, je le vis dans ma chaire. Et on en parle justement dans ce podcast aujourd’hui, on est forcé vers une monoculture numérique qui, effectivement, est contraire à ce besoin de résilience qui est fondamental.
Et je vais terminer par la question qu’on n’a pas posé et que j’aurais… Enfin qui va nécessiter de vous ré-inviter, c’est pas possible autrement. Puisqu’on a beaucoup parlé de systèmes et de systémique aujourd’hui, la question que j’aurais aimé avoir, et plus encore, c’est la réponse que j’aurais aimé avoir. C’est : on est dans une situation où l’humain est en train de scier la branche sur laquelle on est assis. Et comment est-ce qu’on pourrait éviter ça? Voilà.
Pablo Une phrase pour conclure, s’il vous plaît. On en profite pour remercier chaleureusement Kevin et Michaela d’être intervenu, et j’en profite aussi pour dire que les conclusions de Tristan sont toujours remarquables, ce qui le condamne à continuer.
Tristan Et merde !
Pablo Alors comment vous répondriez à cette question très ouverte de Tristan, très rapidement ?
Michaela Emch Si j’ai qu’une phrase, je dirais : profitons de ce que la nature peut nous montrer pour améliorer ce que l’humain fait avec intention. Stop.
Tristan Topissime, vas-y Kevin fait mieux.
Kevin Richard Difficile de faire mieux pour être honnête. À mon avis, il n’y a pas de réponses à cette question, il n’y a que des raisons d’expérimenter. Ça serait ma réponse. Et j’en profite juste pendant que j’ai la parole pour hijacker cette séance et avant qu’on conclut, déjà, vous remercier énormément de nous avoir invités, parce que c’est une opportunité, pas comme les autres, on n’a pas - en tout cas moi, je n’ai pas ce genre de discussions souvent - donc, ça fait plaisir, ça fait vraiment plaisir et je voulais juste rajouter un point sur ce que j’ai dit avant. Et notamment sur les contextes locaux et l’aspect éthique. Parce que souvent, en France, moi je participe à des… Je participe de loin, je regarde ce qui se passe chez designers éthiques et tout ça, qui sonne très français, franco-français en passant, vu de l’extérieur, assez s’amusant et pour plein de raisons, et notamment: un positionnement très déontologique de ce qu’il faudrait faire et qu’est-ce qu’il faudrait pas faire. Et c’est intéressant de se dire ça parce que, côté silicon valley, ils ont aussi une approche très déontologique. Alors, on peut critiquer très amplement leur déontologie, mais ils en ont une et elle implique le développement de règles éthiques dans le code, et c’est du développement qui est globalisant, puisqu’il répond à des contraintes qui sont globales. Et de ramener un peu la discussion au niveau local, elle permet d’avoir une discussion sur l’éthique qui est différente, une où on accepte que, d’un point de vue éthique, les principes éthiques sont différents en fonction des contextes par nécessité. On appelle ça un point de vue multi-ontologique, et il y a des frameworks pour ça, mais c’est important, parce qu’on peut pas avoir une réponse unique à tous les problèmes de la terre. Et l’éthique, elle a les mêmes enjeux. De ce point de vue-là, j’ai envie dire que c’est une leçon morale qu’on peut apprendre de la nature dans un sens. Et puis qu’on peut interpréter notre façon humaine, c’est que voilà des contextes impliquent des choses différentes, et du coup, ben, il nous faut des éthiques qui correspondent à des contextes. Et ça rejoint la partie intentionnalité. Voilà,
Pablo C’était la dernière phrase de Kevin. Merci beaucoup à vous tous d’avoir été là et à bientôt.
Michaela Merci beaucoup,
Kevin Merci
Tristan Merci à vous.